M. le Directeur général Laurent PLOQUIN,
M. le Directeur Pierre LARRAT，
M. le Directeur Pierre Shulei REN
Mesdames et Messieurs les membres de la FDNU,
Chers étudiants:
Bonjour! C’est un grand plaisir pour moi de venir à l'ISTEC Business School Paris pour participer à ce séminaire organisé par la Fédération pour la Diplomatie et les Nations Unies. Récemment, le Président XI Jinping a effectué une nouvelle visite d’Etat très réussie en France. J’aimerais donc commencer mon discours par vous montrer une vidéo rappelant cette visite importante.
Je suis sûr qu’à travers cette vidéo, vous pouvez avoir une idée plus pertinente de la visite importante du président Xi Jinping. Le séminaire d’aujourd'hui a pour thème les aboutissements des relations sino-françaises au cours des 60 dernières années et les perspectives de ces relations pour les 60 ans à venir. J’aimerais centrer mon discours sur les trois questions suivantes : Qu’est-ce que nous pouvons apprendre de l'évolution des relations sino-françaises au cours des 60 dernières années ? Comment assurer un développement stable et durable des relations sino-françaises pour les 60 prochaines années ? Quelle est la portée mondiale de l’esprit sino-français ?
Première question : Quelle expérience historique pouvons-nous tirer des 60 ans de relations sino-françaises ?
Pour répondre à cette question, il convient de rappeler l’histoire de l’établissement des relations diplomatiques entre les deux pays. Au début de l’année 1964, alors que la guerre froide battait son plein, le gouvernement français envisageait d’établir des relations diplomatiques avec la Chine nouvelle à travers les bons offices et les préparatifs de l’envoyé spécial du président Charles de Gaulle, M. Edgard Faure, ce qui suscita la colère des Etats-Unis, le « patron » du camp occidental. Le 9 janvier 1964, le Département d’Etat américain publia une déclaration reprochant à la France sa décision de reconnaître la nouvelle Chine. Le 16 janvier, le gouvernement américain envoya une note verbale au gouvernement français pour protester vivement contre la décision de la France d’établir des relations diplomatiques avec la nouvelle Chine, prétendant que cela nuirait aux « intérêts du monde libre ». Le général de Gaulle, doté de l’esprit de l’indépendance et partant des intérêts nationaux de long terme, choisit de se mettre en phase avec le courant de l’Histoire en tenant tête aux pressions des Etats-Unis et en insistant sur la décision stratégique d’établir des relations diplomatiques avec la Chine nouvelle. C’est pour cette raison que lorsque la Chine et la France établirent des relations diplomatiques en janvier 1964, le journal Le Monde titra son éditorial « Rencontre de deux indépendances ».
La première expérience tirée du soixantenaire des relations diplomatiques sino-françaises est l’esprit de l’indépendance, qui est le caractère fondamental des relations entre nos deux pays. A l’occasion du 50e anniversaire des relations diplomatiques sino-françaises en 2014, le président Xi Jinping a résumé l’esprit de l’établissement des relations diplomatiques sino-françaises en « l’indépendance, la compréhension mutuelle, la clairvoyance, le bénéfice mutuel et le gagnant-gagnant », plaçant l'indépendance en tête de liste. C’est dans l’esprit de la diplomatie indépendante que la Chine et la France ont été les premiers pays à établir un partenariat global et à lancer un dialogue stratégique, à créer mutuellement des centres culturels et à organiser des années culturelles croisées, à ouvrir une ligne d’aviation civile entre la Chine et l’Occident et à mener la coopération dans le domaine de l’énergie nucléaire civile. Nos deux pays ont créé plusieurs « premiers » dans l’histoire des relations Chine-Occident, apportant le bien-être aux deux peuples, et également joué un rôle important dans le maintien de la paix et de la stabilité dans le monde, l’avènement d’un monde multipolaire et la démocratisation des relations internationales.
La deuxième expérience est le bénéfice mutuel et le gagnant-gagnant, qui sont les grands moteurs de la coopération sino-française. Au cours des 60 dernières années, le volume des échanges commerciaux sino-français a été multiplié par près de 800 et n’a cessé de monter en gamme, ce qui a largement profité aux Chinois et Français. Aujourd’hui, la coopération traditionnelle sino-française dans les domaines aéronautique, aérospatial et de l’énergie nucléaire civile continue de se consolider, tandis que la coopération dans les domaines émergents de l’agroalimentaire, de l’industrie verte et de l’économie numérique est en plein essor. Je pense que de nombreux d’entre les étudiants ici présents ont eu des expériences d’achat en ligne sur AliExpress, Shein et Temu. S’appuyant sur une chaîne industrielle et une chaîne d’approvisionnement complètes et solides, les produits chinois bon marché et de haute qualité ont apporté une réelle commodité à la vie de chacun. Il y a trois semaines, BYD, la marque chinoise de voitures électriques, a ouvert son magasin phare sur les Champs-Elysées. De plus en plus de produits français entrent aussi sur le marché chinois. Des produits de haute qualité tels que le vin bordeaux, le bœuf charolais et une large gamme de fromages sont passés des fermes françaises aux tables chinoises. L’année dernière, la Chine a importé environ 6 milliards d’euros de produits agricoles en provenance de France, soit une augmentation de 50,5 % par rapport à 2019. Un certain nombre d’entreprises chinoises spécialisées dans les nouvelles énergies investissent et construisent des usines en France, injectant la dynamique chinoise dans la transition verte française.
Je pense que vous avez tous suivi la déclaration de la Commission européenne annonçant des taxes additionnelles temporaires sur les véhicules électriques fabriqués en Chine à partir du 4 juillet, avec des taux allant de 17,4 % à 38,1 %. La Chine s’y oppose fermement et prendra les mesures nécessaires pour sauvegarder les droits et intérêts légitimes des entreprises chinoises. Les arguments de la partie européenne ne peuvent cacher la nature protectionniste de cette mesure. Depuis qu’elle a lancé la soi-disant enquête sur les subventions, de nombreuses personnalités clairvoyantes ont souligné à plusieurs reprises que l’approche protectionniste ne contribuait pas à améliorer la compétitivité de l’industrie européenne de l’automobile à nouvelles énergies, ne favorisait pas la transition verte de l’Europe et les intérêts des consommateurs, et n'était pas conforme aux règles de libre-échange prônées par l'Europe. Mercedes-Benz, BMW et d’autres constructeurs automobiles européens se sont immédiatement prononcés contre la décision européenne. En effet, la véritable raison de l’essor des véhicules électriques chinois réside dans la maîtrise de la compétitivité de base due à l’accumulation de plus de vingt ans de la recherche technologique, plutôt que dans le recours aux subventions gouvernementales. Au vu et au su de tous, à l'ère des voitures thermiques, le marché chinois était ouvert aux constructeurs américains, européens, japonais et sud-coréens, les marques étrangères avaient une part de marché à 100 % en Chine durant un certain temps. Les marques automobiles nationales ont été pendant longtemps marginalisées, et peinaient à survivre. Mais le gouvernement chinois n’a jamais crié au monopole des marques étrangères, ni ne s’est plaint de la « surcapacité » ou du « dumping » des pays concernés, mais s’est plutôt retourné vers lui-même et a mis les bouchées doubles pour rattraper son retard. Enfin, la Chine a pris les devants dans le domaine des véhicules électriques.
Lorsque la Chine a commencé à développer les véhicules électriques et les batteries à la fin des années 1990, l’Europe et les Etats-Unis dormaient encore dans le confortable nid des véhicules thermiques. Lorsqu’ils se sont réveillés, ils se sont aperçus qu’ils étaient à la traîne. Ils reprochent alors à la Chine de courir à l’avance, de verser des subventions massives et de pratiquer une « concurrence déloyale ». En ce qui concerne les subventions, depuis 2016, la politique chinoise de subvention des véhicules électriques se resserre progressivement et à la fin de 2022, la politique de subvention à l’achat de véhicules à énergie nouvelle a été complètement abrogée. Et ce sont les Etats-Unis et l’Union européenne qui, tout en blâmant la Chine, continuent de fournir d’énormes subventions à l’industrie des véhicules électriques, en particulier dans les segments de la production et de la consommation. La loi américaine l’IRA (Inflation Reduction Act) a alloué à elle seule 430 milliards de dollars de subventions aux industries concernées, soit près de sept fois le montant total des subventions accordées par la Chine à l’industrie des véhicules électriques entre 2009 et 2019. Le gouvernement français accorde des subventions à l’achat de véhicules électriques produits localement allant de 5 000 à 7 000 euros par unité, et ses subventions dispensées aux méga-usines de batteries peuvent facilement atteindre plusieurs centaines de millions, voire plus d’un milliard d’euros. La tentative de l’UE d’amenuiser l’avantage des véhicules électriques chinois par l’imposition des droits de douane constitue en soi la concurrence déloyale.
La troisième expérience est l’inspiration mutuelle entre civilisations. Il y a plus de 300 ans, l’empereur Kangxi de la dynastie des Qing et le roi Louis XIV ont eu des échanges de lettres, ce qui a ouvert des échanges entre nos deux pays dans les domaines de la science, de la technologie, du commerce et de la culture, qui ont eu une portée profonde. La coopération scientifique et technologique a donné naissance à la première carte géographique de Chine; les échanges commerciaux ont fait connaître aux Français des produits chinois et émerveillé la fascination vis-à-vis de la culture chinoise; les échanges culturels ont permis l’introduction en France d’un grand nombre de classiques chinois, dont les Entretiens de Confucius, qui ont eu un impact profond sur le monde intellectuel, et contribué aux mouvements des Lumières avant la Révolution française. Ces dernières années, les échanges humains et culturels sino-français se multiplient chaque jour davantage, et de plus en plus de stars françaises sont connues en Chine. Il y a deux ans, le grand footballeur Kylian Mbappé et la championne olympique chinoise de plongée Zhang Jiaqi ont conjointement nommé deux bébés pandas géants nés au parc du zoo de Beauval. Les pandas géants sont aujourd’hui un point d’attrait du zoo. À l'occasion de la récente visite du président Xi Jinping en France, les deux chefs d’Etat ont échangé des flambeaux des JO de Beijing et de Paris, démontrant ainsi leur engagement commun comme l’indique la devise olympique « Plus vite, plus haut, plus fort - ensemble ».
Le président Xi Jinping a annoncé en France que la politique chinoise d’exemption de visa pour la France serait prolongée jusqu’au 31 décembre 2025. Cela signifie que les Français peuvent se rendre en Chine, « aussitôt décidé, aussitôt partis ». La Chine est un pays qui s’étend sur 9,6 millions de kilomètres carrés. Vous pouvez admirer les gratte-ciel modernes de Shanghai et de Shenzhen, la culture ancienne de 5 000 ans à Xi’an et au site archéologique de Sanxingdui dans la province du Sichuan, ou encore la beauté du paysage naturel du Guangxi, du Guizhou et du Hunan. Comme le dit un dicton chinois, « mieux vaut voir une fois que d’entendre cent fois ». Je pense que les amis français de tous horizons pourront se faire une idée objective et correcte de la Chine après avoir voyagé en Chine.
La deuxième question : comment les relations sino-françaises peuvent-elles se développer de manière stable et régulière ? Je pense que la clé réside dans trois points :
Tout d’abord, il est nécessaire d'établir une perception correcte. Inutile de nier que la plupart des reportages sur la Chine que nous voyons et entendons à la radio, à la télévision, dans les journaux et les magazines occidentaux sont négatifs. Prenons l’exemple des discours sur l’économie chinoise : récemment, des médias occidentaux crient à l’ « atteinte du pic » et à l’« effondrement » de l’économie chinoise, tout en spéculant sur la « menace » et le « choc » de la Chine. Les arguments sont pleins de lacunes et de contradictions, et se laissent ridiculiser par tous.
Il faut souligner que le système politique, l’histoire et les traditions culturelles de la Chine sont effectivement différents de ceux de l’Occident, mais cela ne signifie pas que la voie et le régime choisis par le peuple chinois sont « non démocratiques » ou même « autoritaires ». La Chine est toujours d’avis que chaque pays a le droit de choisir de manière indépendante la voie qui lui convient. Pour juger si un système politique ou un modèle de développement d’un pays est bon, l’essentiel est de savoir s’il est adapté aux conditions nationales et s’il peut garantir la stabilité nationale, promouvoir le développement économique, améliorer le bien-être du peuple et défendre les droits des citoyens. La Chine pratique la démocratie populaire dans tout processus. Dans cette notion, la première chose est « tout processus ». Le peuple a non seulement droit à des élections démocratiques, mais aussi participe à l'ensemble du processus démocratique de prise de décision, de gestion et de supervision, au lieu de n'être réveillé qu’au moment du vote et d’être mis en sommeil après le vote. Deuxièmement, c’est la consultation. Tout au long du processus d’actions gouvernementales, la prise de décision, la mise en œuvre et la gestion s’effectuent par voie de la consultation et du dialogue, plutôt que par les rapports de force ou la confrontation entre les différents partis politiques. En Chine, les consultations se font sous multiples formes et sont presque omniprésentes : consultation des partis politiques, consultation du gouvernement, consultation à l’APN, consultation à la CCPPC et consultation démocratique aux échelons de base. Cela décide les caractères scientifiques, populaire et de long terme des décisions du gouvernement chinois, ainsi que la cohérence de leur application. Et cela peut éviter les cas de figure de revenir toujours sur les décisions prises, de chercher des succès rapides et des profits à court terme, de changer de politique d’un jour à l’autre, de faire long feu dans les projets et de renier toujours le gouvernement précédent. C’est là que réside la compétitivité nationale de la Chine. Ce n’est qu’en reconnaissant et en acceptant cela que l’Occident pourra vraiment laisser de côté son préjugé idéologique contre la Chine et se faire une perception objective et raisonnable de la Chine et de son développement.
En 2019, l’UE a mis en avant vis-à-vis de la Chine une politique triptyque, la qualifiant de « partenaire, concurrent, rival systémique », ce qui a sérieusement perturbé le développement des relations Chine-UE. C’est comme si une voiture se trouve devant un carrefour où les feux rouge, jaune et vert sont allumés en même temps. Ces dernières années, les problèmes, notamment le blocage de l’accord d’investissement Chine-UE et les frictions commerciales concernant les voitures électriques, l’énergie éolienne et les produits photovoltaïques, sont au fond dus à la perception biaisée que l’UE se fait de la Chine. La Chine et l’UE n’ont pas de conflit d’intérêt fondamental, encore moins de contradictions géopolitiques, et ne sont pas condamnées à devenir des rivales systémiques. La Chine n’exporte son idéologie ou son système politique, ne s’immisce dans les affaires intérieures des autres pays, ni n’a l’intention de défier ou de menacer quelque pays que ce soit. Elle se réjouit de voir une Europe unie, forte, ouverte et confiante en soi. Le développement de la Chine est donc une opportunité plutôt qu’un risque pour l’Europe. Le Général de Gaulle n’a-t-il pas déclaré lors d’une conférence de presse le 31 janvier 1964 :« En nouant avec ce pays (la Chine), avec cet État, des relations officielles..., la France... [sert] la cause des hommes. C’est-à-dire : celle de la sagesse, du progrès et de la paix....Il se peut que ces contacts contribuent à l’atténuation, déjà commencée, des contrastes et des oppositions dramatiques, entre les camps qui divisent l’univers ». Les amis français et européens peuvent relire ce discours aux portées importantes prononcé par le général de Gaulle il y a 60 ans et, partant de l’intérêt à long terme de la France et de l’Europe, traduire l’autonomie stratégique en actions concrètes, résister à l’infiltration, à la manipulation et même à la coercition de certain pays, et s’appuyer sur le développement sain et stable des relations Chine-France et Chine-UE, pour faire véritablement de l’Europe un pôle important d’un monde multipolaire.
Deuxièmement, nous devons maintenir l’ouverture et la coopération. Au niveau bilatéral, la Chine et la France disposent encore d’un énorme potentiel de coopération à explorer : la Chine a un vaste marché de 1,4 milliard de consommateurs et les chaînes industrielles et d’approvisionnement les plus complètes dans le monde ; elle travaille à un développement de qualité en s’appuyant sur la formation et le développement accélérés de la nouvelle productivité qualitative, ce qui peut offrir à la France de précieuses opportunités de réindustrialisation. La France a quant à elle une forte base en matière industrielle et de recherche fondamentale et une réserve importante de talents innovants, elle est un partenaire prioritaire de la Chine dans l’élargissement de l’ouverture de haut niveau et la réalisation du développement de haute qualité. Il y a 4 jours, un satellite astronomique de coopération sino-française a été lancé avec succès. Hier, la sonde lunaire Chang’e 6 est retournée sur la Terre, réalisant ainsi le premier voyage lunaire dans le monde pour ramener des échantillons lunaires de la face cachée de la Lune. Au cours de cette mission, Chang’e 6 a transporté plusieurs charges internationales, dont notamment le détecteur de radon français et l’analyseur d’ions négatifs de surface lunaire de l’Agence spatiale européenne, ce qui constitue une belle illustration de la coopération pragmatique de haute qualité entre les deux pays dans le domaine de l’innovation.
Au niveau mondial, certains pays se cramponnent à la mentalité de la guerre froide, forment de petits cercles exclusifs et pratiquent le protectionnisme commercial sous le couvert du « dérisquage » et de la « réduction de la dépendance », sapant ainsi l’ordre économique international. Pendant la guerre froide, les deux camps menés respectivement par les Etats-Unis et l’URSS étaient isolés l’un de l’autre et s’engageaient dans une confrontation à grande échelle, et même dans l’ « Equilibre de la terreur », qui effrayait le monde entier. Aujourd’hui, au nom de la « réduction de la dépendance » et du « dérisquage », certains pratiquent le « découplage », et cherchent à rompre les chaînes industrielles et d’approvisionnement avec la Chine pour entraver et freiner le développement de la Chine. Ils vont jusqu’à tenter de créer « deux mondes parallèles » à l’encontre de la tendance de l’époque et de lancer une « nouvelle guerre froide » contre la Chine. Imaginez un monde où l’Occident et la Chine ne soient pas dépendants l’un de l’autre, qu’ils n’aient pas besoin l’un de l’autre. Dans ce monde, les risques de confrontation, de conflit, voire de guerre entre les deux parties n’augmenteront-ils pas de façon dramatique ? Nous devons faire preuve de plus de discernement face aux arguments de la « réduction de la dépendance » et du « dérisquage », et ne pas nous laisser duper facilement. En tant que moteur principal de l’intégration européenne et bénéficiaire important du système commercial multilatéral, la France devrait travailler avec la Chine pour s’opposer à la confrontation des blocs et aux manœuvres politiques, et s’en tenir à l’ouverture et à la coopération mutuellement bénéfique et gagnant-gagnant, pour injecter la stabilité stratégique aux relations sino-françaises et sino-européennes par la résilience de la coopération sino-française.
Troisièmement, il faut toujours se respecter. En 2014, le président Xi Jinping a cité, dans son discours au siège de l’UNESCO, la figure littéraire française Victor Hugo : « Il y a un spectacle plus grand que le ciel, c’est l’intérieur de l’âme ». Hugo a toujours respecté et admiré la culture chinoise. En mai dernier, lors de la visite du président Xi Jinping en France, l’un des cadeaux préparés par le président Macron était les Contemplations de Hugo publiées en 1856, ce qui illustre pleinement les précieuses qualités des relations sino-françaises, celles de respect et d’admiration mutuels.
Le respect mutuel devrait se traduire, en particulier, par le respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale. La Chine et la France partagent toutes deux un fort sentiment de fierté nationale et chérissent leur souveraineté. La Chine est le seul pays parmi les cinq membres permanents du Conseil de sécurité à ne pas avoir réalisé la réunification complète, et la question de Taiwan est au cœur des intérêts fondamentaux de la Chine et revêt une importance particulière. Un internaute français a laissé un jour un message sur le compte de médias sociaux de l’Ambassade de Chine, disant que Taiwan est à la Chine ce que la Corse est à la France et la Catalogne à l’Espagne.
Je tiens à souligner que Taiwan n’a jamais été un pays, mais une partie de la Chine. Sa recherche de l’« indépendance » est une tentative de sécession d’un Etat souverain, ce qui constitue une violation du droit international. L’état actuel de Taiwan est un problème légué de la guerre civile chinoise des années 1940 et n’affecte pas la souveraineté et l’intégrité territoriale de la Chine. En quelque sorte, la guerre civile chinoise n’est pas encore terminée et le régime actuel de Taiwan est un régime rebelle sur le territoire chinois. Le gouvernement chinois a le droit d’expulser à tout moment ce régime et de reprendre le droit de gouverner Taiwan. Toutefois, compte tenu du bien-être de la population de Taiwan, nous ne voulons pas recourir à la force pour atteindre cet objectif et soumettre la population de Taiwan au fléau de la guerre. Nous espérons plutôt obtenir le retour de Taiwan par des moyens pacifiques. C’est pourquoi nous avons mis en avant le principe de la « réunification pacifique, et un pays, deux systèmes ». Cependant, les Etats-Unis, dans le but de sauver leur hégémonie et de maintenir la « première chaîne d’îles » visant à contenir la Chine, enhardissent et soutiennent les autorités du parti démocrate progressiste (DPP) à Taiwan dans leur quête de l’« indépendance de Taiwan » en augmentant les ventes d’armes à Taiwan et en les incitant à réaliser l’« indépendance » par la force. Ce qui a compromis les perspectives de réunification pacifique, et créé les tensions actuelles dans les relations interdétroit.
Il n’y a qu’un seul avenir pour Taiwan, c’est le retour à la mère patrie. Si ce n’est pas par des moyens pacifiques, alors ce sera par des moyens non pacifiques ; si certains ne veulent pas d'« un pays, deux systèmes », alors on fera « un pays, un système ». En bref, nous n’autoriserons jamais à Taiwan de se séparer de la mère patrie.
Le principe d’une seule Chine est le fondement politique des relations sino-françaises et une ligne rouge à ne pas franchir. La Chine a toujours respecté la souveraineté et l’intégrité territoriale de la France et ne s’est jamais ingérée dans ses affaires intérieures. Elle espère que la partie française prendra des mesures concrètes pour mettre en œuvre la politique d’une seule Chine réaffirmée successivement par les gouvernements français depuis l’ère du général de Gaulle, et s’opposera sans équivoque à l’indépendance de Taiwan, en soutien à la réunification pacifique de la Chine.
La dernière question : Comment voir la portée mondiale de l’esprit sino-français ? Il ne sera pas difficile de répondre à cette question une fois que l’on aura compris l’esprit profond qui est à l’origine du développement des relations sino-françaises au cours des 60 dernières années. Selon moi, la Chine et la France ont beaucoup à faire ensemble dans au moins quatre domaines :
Elles peuvent être des forces cruciales pour préserver la paix. Cette année marque le 70e anniversaire des cinq principes de la coexistence pacifique. 70 ans plus tard, ces principes brillent toujours de la lumière de la sagesse de l’époque : respect mutuel de la souveraineté et de l’intégrité territoriale, non-agression mutuelle, non-ingérence dans les affaires intérieures l’un de l’autre, égalité et bénéfice mutuel, et coexistence pacifique. Le monde d’aujourd’hui est loin d’être calme, et deux crises s’entremêlant mettent à l’épreuve la sagesse historique de notre génération. Je voudrais me concentrer sur les points de vue de la Chine sur les questions internationales actuelles dans le contexte de ces deux crises.
La première crise, c’est le conflit israélo-palestinien. Cette tragédie, qui perdure jusqu’ici, est une épreuve de la conscience humaine, et la communauté internationale doit faire quelque chose à ce sujet. J’ai remarqué que ces derniers temps, les enseignants et étudiants des universités de nombreux pays occidentaux, y compris la France et les Etats-Unis, ont organisé de leur propre initiative des activités pour exprimer leur solidarité avec la Palestine, ce qui montre que l’évolution de cette tragédie a touché la ligne rouge émotionnelle et morale de chaque personne ordinaire. La Chine et la France partagent un large consensus sur la question israélo-palestinienne. Lors de la visite du président Xi Jinping en France, les deux parties ont publié une déclaration commune dans laquelle elles condamnent toutes les violations du droit humanitaire international et appellent à la relance du processus politique de manière décisive et irréversible, afin de mettre sérieusement en œuvre la solution à deux États et de réaliser une paix durable au Moyen-Orient. Nous sommes bien conscients que le chemin vers la paix est voué à être rude et cahoteux. Cependant, tant qu’il reste une lueur d’espoir pour la paix, nous ne devons pas baisser les bras à la légère.
La seconde est la crise ukrainienne. La crise ukrainienne a eu un impact sérieux sur la sécurité européenne, les relations entre grands pays, le commerce international et la stabilité de la chaîne industrielle et de la chaîne d’approvisionnement mondiales, et l’impact psychologique dû au retour de la guerre sur le continent européen a donné lieu à des bobards et à des rumeurs parmi la population européenne. Certains crient à l’alliance Chine-Russie et appellent à la responsabilité de la Chine, non seulement en blâmant les relations Chine-Russie et le commerce normal entre les deux pays, mais aussi en imputant au soutien de la Chine la position ferme de Vladimir Poutine de ne pas succomber à la pression de l’Occident de mettre fin aux opérations militaires spéciales. Je voudrais souligner que la Russie est une puissance indépendante, et que la Chine ne peut pas dire n’importe quoi sur les décisions faites par la Russie dans le cadre de sa souveraineté. Et nous ne le ferons pas. La Russie et l’Europe sont toutes deux amies de la Chine. Nous comprenons et attachons une grande importance aux sentiments, préoccupations et demandes des amis européens, et continuerons à maintenir une position objective et impartiale, sans se croiser les bras devant les problèmes, ni prendre parti, et encore moins mettre de l’huile sur le feu. Nous nous opposons à toute tentative d’utiliser la crise ukrainienne pour dénigrer la Chine et de déclencher une nouvelle guerre froide. Nous respecterons notre engagement de ne pas fournir d’armes aux belligérants et de contrôler strictement les biens à double usage, tout en continuant à promouvoir de notre manière la réconciliation et les négociations et en jouant un rôle constructif dans le règlement politique de la crise.
Les retombées de ces deux crises ont pleinement prouvé que, dans les eaux turbulentes des crises mondiales, tous les pays sont embarqués sur un navire au destin commun. Nous sommes prêts à travailler avec la France pour mettre en œuvre les initiatives pour la sécurité mondiale, le développement mondial et la civilisation mondiale proposées par le président Xi Jinping, pour accomplir les devoirs internationaux de membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies et agir comme un ferme défenseur de la paix dans le monde.
La Chine et la France peuvent offrir un modèle de coexistence harmonieuse malgré les différences. Sur le plan politique, maintenant et les décennies à venir constituent une période critique de transition entre l’ancien ordre international et le nouveau, une période de redressement des pays du Sud et de changement radical. La démocratisation des relations internationales est inexorable et le Sud global prend de l’ampleur. Les pays du Sud s’éveillent à un rythme accéléré et ne veulent plus être la majorité silencieuse. Comme il y a 60 ans, elles ont pu franchir le fossé qui les séparait, percer les nuées de la guerre froide et préfacer la démocratisation des relations internationales, la Chine et la France seront certainement en mesure, 60 ans après, d’assumer leur mission historique, de montrer le sens des responsabilités qui reviennent aux grandes nations et d’envoyer une voix forte de l’époque, celle du respect mutuel et de la coopération gagnant-gagnant.
Sur le plan civilisationnel, la Chine et la France, en tant que représentants exceptionnels des civilisations orientale et occidentale, possèdent un profond héritage culturel et de brillantes réalisations civilisationnelles. Nous devrions guider les civilisations mondiales dans les échanges et la compréhension mutuelle, assurer la diversité des différentes civilisations, nous opposer à toute forme de « supériorité civilisationnelle » et de « choc des civilisations », aider tous les pays et tous les peuples à transmettre et à développer leurs propres civilisations et à choisir indépendamment leurs propres voies de développement en fonction de leurs propres conditions, et fournir des plates-formes et des opportunités aux différents pays et civilisations pour atteindre la prospérité collective grâce à une coopération mutuellement bénéfique. Il y a six semaines, la 78e session de l’Assemblée générale de l’ONU a adopté à l’unanimité une résolution proposée par la Chine pour faire du 10 juin la Journée internationale du dialogue entre civilisations, en réponse à la forte aspiration de la communauté internationale d’aujourd’hui à plus d’échanges et de compréhension entre civilisations. La jeune génération est le groupe de personnes le plus ouvert, le plus innovant et le plus diversifié, et nous souhaitons vous voir rompre avec les stéréotypes occidentaux sur les autres civilisations pour composer une belle symphonie de civilisations différentes dans le monde de demain.
La Chine et la France peuvent être des moteurs de développement. L’ouverture et le développement sont deux mots clés pour la Chine dans la promotion de la coopération internationale. Récemment, le président Xi Jinping a souligné, lors de la sixième réunion du Conseil d’entreprises sino-français, que la réforme et l’ouverture sont la caractéristique la plus marquante et l’entreprise grandiose de la Chine contemporaine. La Chine, qui a bénéficié de l’ouverture au monde extérieur et qui sera un promoteur et un acteur actif de l’économie mondiale ouverte, planifie et met en œuvre des initiatives majeures visant à approfondir les réformes de manière globale, à étendre régulièrement l’ouverture systémique et à élargir davantage l’accès au marché. Cela créera davantage d’opportunités aux entreprises du monde entier, y compris les entreprises françaises et européennes. La troisième session plénière du 20e comité central du Parti communiste chinois se tiendra le mois prochain, et il y aura des initiatives politiques majeures pour approfondir globalement les réformes et pour promouvoir la modernisation à la chinoise. Vous pouvez les suivre. Les fruits abondants de la coopération pragmatique donnent à la Chine et à la France plus de confiance mais aussi plus de responsabilités de s’opposer clairement au découplage, à la rupture des chaînes et aux pratiques protectionnistes, et de construire un partenariat stratégique global Chine-France plus solide et plus dynamique au milieu des grandes mutations, afin de promouvoir conjointement une mondialisation économique inclusive et bénéfique à tous.
Ces dernières années, avec l’escalade des tensions géopolitiques internationales, la dynamique du développement mondial n’a pas réussi à suivre le rythme de l’irruption des problèmes mondiaux. L’écart Nord-Sud, la fracture du développement et le fossé technologique se sont accentués, tandis que les déficits en matière de paix, de développement, de sécurité et de gouvernance ont continué à s’aggraver. Je me suis occupé des affaires africaines au sein du ministère chinois des affaires étrangères pendant plus de 25 ans et j’ai visité plus de 40 pays africains, et travaillé en Guinée et au Sénégal. J’ai pu mesurer en personne l’aspiration ardente des Africains à réaliser le développement économique et le redressement national, et à vivre une vie heureuse. La France a des liens historiques profonds avec de nombreux pays en développement, y compris les pays africains ; la Chine est un membre important du Sud global et un exemple réussi de la modernisation en tant que pays en développement. La Chine et la France peuvent s’appuyer sur leurs propres atouts et renforcer leur coopération sur les questions de développement mondial par une coopération sur un marché tiers, afin de combler ensemble le fossé du développement mondial.
La Chine et la France peuvent être des partenaires pour façonner l’avenir. L’ère actuelle est une phase d’itération exponentielle de technologies telles que l’intelligence artificielle, l’informatique quantique et la révolution énergétique, ainsi qu’une période critique de gouvernance mondiale et d’établissement de règles pour les technologies concernées. Ces avancées technologiques vont non seulement réécrire notre mode de vie, mais aussi avoir des répercussions considérables sur les structures sociales, les modèles économiques et l’architecture mondiale. Dans le même temps, la sécurité non traditionnelle, telle que le changement climatique, la cybersécurité et la sécurité informatique, la santé et la sécurité publiques et le terrorisme, augmente de jour en jour.
La Chine et la France devraient aller dans la même direction, améliorer la compréhension mutuelle, faire jouer pleinement leurs atouts complémentaires et renforcer l’offre de biens publics mondiaux. La civilisation scientifique et technologique ne doit pas devenir un trésor enfoui dans une grotte, et encore moins une « machine à récolter » permettant à quelques pays d’engranger des profits monopolistiques excessifs. La Chine et la France devraient renforcer le partage des réalisations scientifiques et technologiques et la coopération dans la gouvernance mondiale de l’intelligence artificielle, et s’opposer résolument aux barrières scientifiques et technologiques. Elles devraient rester fidèles aux objectifs et au cadre de principes énoncés dans la Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques et son Accord de Paris, répondre activement au changement climatique, et mettre en œuvre le Cadre mondial pour la biodiversité de Kunming-Montréal. Elles devraient aussi répondre aux nouvelles questions de l’époque, avec un sens plus aigu des responsabilités historiques, et travailler la main dans la main pour créer un meilleur avenir pour l’homme en forgeant une communauté d’avenir plus étroite pour l’humanité.
Vous les jeunes étudiants en politique internationale ou intéressés par les questions internationales, vous êtes le pilier de la future diplomatie française et contribuerez à façonner le paysage international et l’ordre international de demain. D’une part, vous êtes nés au bon moment : les médias sociaux tels que Tiktok ont brisé le cocon informationnel des médias traditionnels, vous permettant de prendre le pouls du monde d’une manière plus réaliste. D’un autre côté, la grande quantité d’informations disponibles sur internet est hétérogène et il est difficile de savoir si elles sont vraies ou non en raison du sensationnalisme des fake news. J’espère que vous ferez valoir les atouts de la jeunesse en matière d’exploration et de recherche et en faveur de la diversité, pour explorer activement la Chine et découvrir le monde, que vous prendrez le relais du gaullisme et apporterez votre sagesse et votre force au développement sain et stable à long terme des relations entre la Chine, la France et l’Europe, ainsi qu’à l’édification d’un monde meilleur.
Je vous remercie. Maintenant je suis prêt à répondre à vos questions.